Cet ouvrage propose un panorama des littératures francophones d'Afrique, de la Caraïbe et du Maghreb dans une nouvelle perspective qui fait apparaître toute leur singularité et leur dynamisme. La production littéraire de ces trois régions est systématiquement abordée à partir d'un survol de l'ensemble des littératures francophones qui permet de mieux en saisir les enjeux sociohistoriques et esthétiques.
Loin d'être des annexes régionales ou exotiques de la littérature française, ces littératures d'Afrique, de la Caraïbe et du Maghreb en sont devenues des lieux de renouvellement à bien des égards. C'est ce que montre cette introduction, par une approche souple qui tient compte à la fois des générations d'écrivains, des mouvements littéraires, des textes essentiels et des dates importantes. De plus, les oeuvres et les auteurs sont présentés dans le cadre des principaux genres que sont le roman, la poésie, le théâtre et l'essai.
Cet ouvrage s'adresse tout autant aux étudiants et aux lecteurs qui abordent ces champs littéraires pour la première fois, qu'à ceux qui voudront en connaître davantage. Il constitue une référence indispensable et fournit des pistes de lecture judicieuses.
Christiane Ndiaye est professeure au Département d'études françaises de l'Université de Montréal.
Danser est une façon de se mouvoir, mais c'est autre chose que marcher : c'est un art à la portée de tous. C'est un mouvement à la fois libre et contrôlé qu'on ne peut imposer à personne, mais qui, par sa beauté et son dynamisme, peut entraîner, peut séduire ceux qui le contemplent, immobiles. C'est une façon de respecter la petitesse des nains et l'inconscience des rois, tout en les invitant à se dépasser. C'est cette danse qui est présentée dans les études réunies ici : danse de la parole telle qu'elle est pratiquée par les écrivains de la francophonie antillaise, africaine et maghrébine. Au fil des décennies, cette parole a dessiné des configurations multiples. Aujourd'hui cette danse, toujours renouvelée, nous interpelle : elle suscite la participation, empêche de se taire, invite des réponses. En voici quelques-unes.
Guillaume de Conches est l'un des « intellectuels » majeurs du XIIe siècle, maître fameux lié à la non moins fameuse École de Chartres qui rayonna durant la « Renaissance du XIIe siècle ». Parmi une oeuvre fournie, reposant sur la pratique de la glose, la Philosophia et le Dragmaticon sont deux ouvrages à visée encyclopédique. Cette première traduction complète de ces deux oeuvres en français et en un seul volume permet d'avoir une vision d'ensemble de ce que put être un « encyclopédisme chartrain », plus particulièrement de la pensée de Guillaume et de son évolution. Philosophia est une oeuvre de jeunesse, écrite vers 1125, dans laquelle Guillaume de Conches met en place sa méthode. Ce traité aborde successivement la cause première des choses (Dieu, le monde, les éléments, les astres, création de l'homme), l'éther et les astres (mouvement, saisons), l'air et les phénomènes météorologiques (pluies, neiges, vents, marées), pour terminer par la terre et l'homme (conception, physiologie, vieillissement, âme). Soucieux de percer les secrets de la nature par un questionnement rationnel et une explication physique des causes de la création et du fonctionnement du monde et de l'homme, Guillaume de Conches est en butte à une accusation d'impiété mais il échappe au procès par ses rétractations sur les points litigieux. Le Dragmaticon, publié sous forme de dialogue vers 1147-1149, traite des mêmes sujets mais intègre les rétractations de l'auteur tout en élargissant les analyses de la Philosophia. Il comporte six livres, en particulier y sont ajoutées comme source les Questions naturelles de Sénèque.
Cette livraison d'Études françaises rend hommage à l'écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop, qui a reçu en 2000 le Grand prix littéraire d'Afrique noire, et trace de nouvelles voies critiques pour son oeuvre dont le premier roman, Le temps de Tamango, a paru en 1981. Les études réunies dans ce dossier analysent l'oeuvre de Boubacar Boris Diop à partir de deux perspectives. Certains articles privilégient les rapports entre les romans et l'histoire de l'Afrique contemporaine - la colonisation, les indépendances, la période d'après la Guerre froide -, tandis que d'autres insistent davantage sur les formes artistiques et littéraires des récits. Ainsi des fonctions de la métalepse dans la plupart des romans de Diop dont plusieurs narrateurs, tout en racontant des anecdotes sur le monde, évoquent l'activité de l'écrivain en train d'écrire. Un tel choix renvoie-t-il à l'anxiété de l'auteur quant au statut de l'écrivain africain dans sa société de référence, en proie aux doutes existentiels depuis le désenchantement des indépendances ? Est-ce pour cela que Boubacar Boris Diop décide, au tournant de l'an 2000, d'écrire aussi bien en français qu'en wolof, sa langue maternelle, pour élargir son lectorat ? À ces questions tentent de répondre les collaborateurs de ce numéro qui constitue un apport majeur non seulement à la compréhension de l'oeuvre de Diop, mais également aux nouvelles pistes de la critique : celle de la poétique de l'auto-traduction et celle de l'oeuvre bilingue dans les littératures francophones, et tout particulièrement celle d'Afrique.
Pratique littéraire adoptée depuis le Moyen Âge et choyée particulièrement par les érudites et les lettrées de la Renaissance, la réécriture est une manière de faire sa révérence aux prédécesseurs en revisitant la matière littéraire canonique. Tenant pour acquis que la réécriture est le déplacement / détournement d'une oeuvre par une autre, il s'agit de voir en quoi les nouveaux textes ainsi produits se démarquent des textes antérieurs et quelle(s) lecture(s) critique(s) en font les auteurs. « Réécrire au féminin : pratiques, modalités, enjeux » se propose d'examiner les diverses formes de ce phénomène littéraire, afin d'en identifier les enjeux et les visées. Au coeur de ces interrogations se trouve la réécriture comme effet de lecture qui révèle chez bon nombre d'auteures contemporaines une double démarche de déconstruction des modèles générateurs et de leur reconstruction sous d'autres signes.
Ce numéro porte un regard nouveau sur les rapports fort complexes qui relient aussi bien en Afrique qu'ailleurs dans le monde, la critique littéraire et la lecture des textes. Son titre évoque ainsi une interrogation profonde sur cette activité protéiforme que l'on appelle la critique littéraire et sur le rôle qu'elle joue à l'intérieur d'une institution littéraire comme la littérature africaine.
Dans la représentation du réel, le roman africain se trouve à la fois confronté à l'obstacle de l'inadéquation constitutive entre les mots et les choses et à la difficulté qui consiste à exprimer une réalité « locale » dans une langue étrangère. Cependant, cette ambiguïté de départ a donné naissance à des littératures dynamiques qui ont transporté l'imaginaire des cultures millénaires dans la modernité. Le numéro offre des illustrations de ce travail sur les signes accomplis par les écrivains et s'intéresse à quelques configurations du récit africain récent.
Comme l'indique son titre, ce dossier rassemble des études consacrées à l'oeuvre d'Ahmadou Kourouma, l'un des grands écrivains de la francophonie. Il porte un regard inédit sur les romans de l'auteur en axant les analyses sur les rapports complexes qui lient la fiction à l'histoire et à la mémoire du temps présent en Afrique. Une telle interrogation sur l'archive romanesque de la mémoire africaine que constitue cette oeuvre vise à démonter les différentes modalités narratives, discursives et rhétoriques de la mise en fiction des évènements historiques. Elle repose d'une certaine façon la question des rapports entre la littérature et l'histoire à travers une oeuvre complexe, qui s'enracine dans la culture africaine, tout en évoquant les cultures occidentale et arabo-musulmane.