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P.O.L
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Jacques Jouet a déjà publié, chez P.O.L, de « courts romans de dames », ayant pour personnage principal une héroïne dotée d'un destin particulier, et avec l'ambition de travailler sur des figures féminines possibles, liées au temps présent : Une mauvaise maire (2007), La seule fois de l'amour (2012), Un dernier mensonge (2013). À terme, Jacques Jouet rêve d'une galerie de personnages comme on en trouve dans les romans et nouvelles de Henry James, et poursuit son catalogue de « vies potentielles ». Avec ces deux nouveaux romans, également situés de nos jours, il tente à chaque fois de décliner avec humour, et d'interroger de façon romanesque, une supposition initiale. Pour Valentine expliquée : Que se passe-t-il si une femme est dite, en société, ne pas avoir besoin de la psychanalyse et se sent exclue, vexée au plus haut point de cette originalité qu'elle n'a pas recherchée ? Pour Madame Greuse : Que se passe-t-il si une femme fait des ménages à seule fin de se payer, chez elle, une femme de ménage ? Jusqu'à contredire, selon l'auteur lui-même, le proverbe portugais : Uma empregada de limpeza não tem uma empregada de limpeza (« Une femme de ménage n'a pas de femme de ménage. ») Jouet observe ainsi les conduites de ses contemporains, en sémiologue amateur, et explore de façon irrésistible les possibles de chaque existence.
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Face à Giacometti, et aux côtés de l'artiste, Jacques Dupin le fut souvent, qui lui rendit visite chaque semaine pendant treize ans. De cette amitié sont issus des textes, ici réunis pour la première fois, qui accompagnent et prolongent l'oeuvre.
Portraits d'un artiste au travail par un poète dont l'écriture éprouve la même exigence, les mêmes tourments, le même surgissement d'une présence séparée. -
à l'extrême de l'écriture de la nuit rien n'arrête, et manquer la cible est un premier pas vers le fond de l'oeil à la fourche de la vie la croisée des certitudes qui se détruisent une phrase décapitée pour que tu sois nue
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Ici moins qu'ailleurs est le troisième volet de la trilogie que l'auteur consacre à ses dernières décennies de théâtre. Pauses (1981-1990) évoquait son départ du Studio-Théâtre de Vitry et ses années de direction du Théâtre national de Strasbourg. L'Amour d'Alceste (1991-2000) revenait sur son mandat d'administrateur général de la Comédie-Française et, à sa suite, sur la création de la Compagnie Pour Mémoire. Dans Ici moins qu'ailleurs (2001-2010) il porte un regard, encore forcément subjectif et transversal, sur le devenir du théâtre français et sur la société où désormais il s'inscrit. C'est l'Ici. Il tente aussi de donner sens à la part croissante de ses séjours et réalisations à l'étranger et à la découverte passionnée de ces autres scènes. C'est l'Ailleurs.
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Ce volume est la réédition de deux livres autrefois publiés par Jacques Dupin chez Fata Morgana (1983, 1986). On y trouve déjà, bien sûr, cette manière d'écrire si particulière : «Lyrique, à voix basse, et raucité», propre à cet écrivain qui charge tant d'énergie dans la parole du poème que cela produit «dans la langue un effet d'obscurité qui, paradoxalement, communique au lecteur - heurté, bousculé, choqué dans ses habitudes par l'énigme d'un sens en état de spasme perpétuel - cette violence où l'oeuvre d'art semble trouver sa dangereuse origine» comme a pu le dire le critique Yves Charnet.
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Et si, à raison d'un poème par jour, il ne fallait que quatre ans pour lire ce livre ?
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Amnésies ; fictions du cinéma d'après Jean-Luc Godard
Jacques Aumont
- P.O.L
- Essais
- 23 Février 2012
- 9782818010563
À la fois essai, poème, fiction, récit historique, traité sur l'art, philosophie de la mimêsis, les Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard ont une logique multiple, qui les stratifie. Parler de ce film, c'est, ou bien le continuer (et en un sens, le refaire), ou bien le déplier, en distinguer les logiques superposées et concurrentes, y discerner les auteurs confondus en un auteur, les discours confondus en un discours. La sympathie, certaine et profonde, n'a pas été ici confondue avec l'empathie : partant de l'ébranlement qu'a provoqué cette oeuvre, on a tâché de le prolonger et de l'amplifier, sans chercher à en donner l'analyse exhaustive, encore moins le commentaire suivi. Plutôt, appliquant à ces films la méthode même qu'ils ont inventée, les traverser, saisir les mythes qui les fondent et qu'ils refondent, y reconnaître quelque chose d'une tradition critique, se les approprier. Cet objet aimé qui, pour tant d'entre 'nous', a eu nom Cinéma, était aussi, le savions-nous?, une puissance de mémoire. Ce que Godard nous aide à vérifier, c'est que la mémoire suppose l'oubli : c'est à cela même, à rien d'autre, qu'a servi cette espèce de chose qu'on a appelée la fiction. L'amnésie est ici la position minimale à partir de laquelle on peut évoquer ce fantôme, et ses puissances.
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Jonas Mekas connaissait un homme nommé Démon /
précurseur des zazous il brandissait un Y allongé /
lance-pierre sans élastique parlait du gaz moutarde /
qui tuait les hommes poumons en feu courant /
parmi les chevaux hurlant remplaçait les formules /
couper un café trop fort par des innovations sévères /
mitiger un excessif café il conservait avec prudence /
vivement demain premier jour du reste de ma vie /
j'ai une vision de la vie et je tente des équivalences /
parfois je me sens si seul que j'ai envie de hurler -
Baudelaire disait que la poésie mène à la critique. Ce livre en est une vérification, une de plus. Jacques Dupin y réunit des textes qu'il a écrits sur d'autres écrivains, des poètes principalement. L'originalité de l'ensemble est qu'il fonctionne aussi comme un recueil de poèmes et, de fait, ces textes qui sont indéniablement des textes critiques sont aussi des poèmes. Comme si seule la poésie pouvait parler de la poésie, rendre présent son mystère sans pour autant essayer, vainement, de l'épuiser, sans l'enfouir sous une rhétorique universitaire inopérante. Une autre caractéristique de ce livre est que, si on y rencontre des auteurs et des oeuvres connus et célèbres (Blanchot, Ponge, Char, Jaccottet, Celan, du Bouchet, etc.), on y découvre aussi la curiosité constante et le goût de Jacques Dupin pour les écritures les plus risquées.
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Cette histoire n'est plus la nôtre mais à qui la voudra
Jean-jacques Viton
- P.O.L
- Poésie
- 5 Décembre 2016
- 9782818041192
"une histoire brève sans violence cache
la désolation c'est du mauvais genre
le courant doit parcourir le haut le bas
retenons quelques fables disponibles
on en fera vite ce que l'on voudra oui
il règne sur la terre desséchée la faille
impossible à écarter d'une seule main
le pire peut arriver comment affronter
les Égyptiens sacralisent couleur noire
un rappel des crues fertilisantes du Nil."
Jean-Jacques Viton -
«Écrire n'est pas une fin / tout au plus un cadavre à déplacer / loin du bord». Ce nouveau livre de Jacques Dupin, le sixième chez P.O.L, et que six années séparent du dernier inédit, l'auteur laisse entendre lui-même qu'il est écrit dans l'imminence du désastre. Mais il rend aussi plus que jamais sensible ce chantier perpétuel où un magma informe de concrétions mentales le dispute à un fonds de langue issu de l'enfance et de la culture. Il accentue, avec encore plus de violence, un mouvement de l'écriture qui serait comme l'émancipation de cette lutte que se livrent l'obscur et le dicible.
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Les textes réunis dans L'amour d'Alceste concernent la décennie 1989-2000 (de la Comédie-Française à l'indépendance), comme ceux, réunis dans Pauses, concernaient la décennie 1980-1990 (du Studio-Théâtre de Vitry au Théâtre National de Strasbourg). Ils trouvent leur place dans l'une ou l'autre des cinq séquences thématiques - l'ombre portée du cinéma ; la tentation du roman ; l'acteur réfractaire ; une pédagogie impliquée ; l'artiste et le politique - qui rythment le livre comme elles ont rythmé le parcours de l'auteur. Étroitement liés aux oeuvres, aux personnes, aux événements, aux pratiques qui les ont inspirés, ces textes, dans la diversité de leur facture et de leur occasion, apparaissent d'abord comme autonomes et circonstanciels. Ils sont, par nature, spontanément réactifs. Mais, regroupés, mis en perspective les uns par les autres, ils contribuent à faire de L'amour d'Alceste - celui qu'on porte au personnage, celui aussi, trop exigeant sans doute, que le personnage porte à ses contemporains - une contribution, modulée par le temps, à l'avènement d'un théâtre qui serait à la fois celui du soupçon et de la résistance, mais tout autant, celui d'une ouverture passionnée à de nouvelles perspectives, à de nouveaux enjeux.
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Décollage est un recueil de sept poèmes narratifs, chacun des textes raconte une histoire, exprime des sentiments, des idées, des impressions. Images fortes du monde en mouvement, images dérobées à la publicité, à la rue, aux événements infimes du quotidien comme à ceux, plus vastes, de la société, au politique, et qui nous sont restituées dans la grâce ou la fureur, la tendresse ou le doute, restituées aussi par les mouvements dans la page : lignes pleines ou courtes, pauses blanches entre les mots, italiques, majuscules ; autant de scansions qui maintiennent la lecture à un niveau constant d'attention, d'émotion intense.
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Cinq sections se partagent dans Écart le biographique de plus en plus apparent dans l'oeuvre de Jacques Dupin. Ici son enfance parmi les couleurs, les odeurs, les sensations les plus fortes et dans le mystère de parents si hauts. Son présent aussi que la maladie et la vieillesse qui meurtrit intensifient et que l'amour de la peinture exalte.
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Rien. Contumace. La poésie. Perdue, consumée... Ou bannie. Tenue à l'écart, dans ses propres marges. Dans la soute. Dans le soleil... Soustraite au jeu du monde. Inéchangeable au cours des monnaies. Massacrée sans laisser de cadavre. Devenue illisible et blanche, à incorporer l'intensité de la vie, la pulsion des gisements, le battement de la langue. Sans origine et sans fin. Imprenable, comme sont les racines et les ruines. Intouchable, comme est le feu... Dans le souffle un peu de poussière envolée qui fixe, un court instant, une autre lumière... Contumace, au-dessus des cendres, un scintillement de pollen...
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Je voulais m'en aller mais je n'ai pas bougé
Jean-jacques Viton
- P.O.L
- Poésie
- 18 Octobre 2010
- 9782846824620
«un malaise un racisme discret destructeur un chargeur c'est une réserve de munitions pour une arme on dit aussi un magasin l'insoutenable vision du dépeçage la banalité exténuante la répétition des objets quotidiens les attentats affichent leurs bilans comme les marques leurs points en Bourse l'intime et l'environ les pièges des contrôles de clandestins les balises des massacres le temps qui passe des rapports opaques les avertissements de la fatigue le principe du tout droit les riches heures de la torture la ville qui pue les marchandises de l'insécurité les épidémies envahissantes les fragments comme débuts il reste un fond de sac nettoyer le repos comment s'en aller»
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Sur un flipper occidental ordinaire, le joueur peut plus ou moins diriger la bille engagée, sinon la conduire, sur le parcours horizontal de l'appareil. Sur le flipper japonais patchinko (ancienne appellation de lance-pierre), vertical et automatique, le joueur ne peut qu'assister, passif, aux rapides dégringolades des billes projetées du haut de la machine sur un parcours troué où seul le hasard intervient. Dans cette absence de pouvoir, le joueur, ici dans le billard-poème-patchinko, se met à supposer que ses billes remontent la pente raide parsemée d'obstacles (erreurs de dates, réminiscences, associations d'idées, confusions, souvenirs...), creusent dans le passé comme des excavatrices et se reprécipitent vers le bas en rapportant des parcelles prélevées sur l'avant. Une façon de ramasser ses billes au cours de la partition imposée par le rythme sonore incessant de ces aller et retour. Patchinko, «objet fantôme», est un poème divisé en quatre jeux se déroulant au cours de l'unique partie d'une «mémoire qui a perdu son sang».
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Les amours de Mina de Vanghel, fille d'un général comte prussien vainqueur des armées napoléoniennes, usurpent le pluriel. Mais la seule fois de l'amour, dont elle est une héroïne extrême, en fait une figure de décision et de fermeté fatales que Jacques Jouet admire au point qu'il l'a empruntée à Stendhal, comme Stendhal lui-même affirmait l'avoir empruntée à Adam Oehlenschläger. Du père à la fille se pose aussi la question des conquêtes : «Un peuple a-t-il le droit de changer la manière intime et rationnelle suivant laquelle un autre peuple veut régler son existence matérielle et morale?» (Stendhal), devenant : «Un être a-t-il le droit de changer la manière intime et pas toujours rationnelle suivant laquelle un être différent paraît avoir réglé son existence affective et sexuelle?» Vanghel est une pièce de théâtre en trois actes et une soixantaine de personnages.
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MONSIEUR JOURDAIN.
Qu'est-ce donc que je parle en ce présent moment ?
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.
De l'excellente prose, incontestablement !
MONSIEUR JOURDAIN.
Quoi ? quand je dis : « Nicole, apportez mes pantoufles Et mon bonnet de ski, mes après-ski, mes moufles ! » C'est toujours de la prose ?
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.
Hé oui, monsieur. -
Victoire a un projet, qui est un projet de vie, qui est un projet de vie amoureuse : elle connaîtra dans sa vie un amour et un seul, ni plus ni moins. Avec cet amour, elle fera l'amour une fois et une seule. Bonne chance, Victoire!
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«Le titre initial de ce livre était VRAC. Qu'est-ce qu'un vrac? sa définition varie de harengs mal lavés à désordre. Dans cet intervalle apparaît tout le reste, lui-même en vrac. Un choix s'est donc établi sur le plateau de ce premier titre à partir d'un ensemble de situations soulignant des événements particuliers dans les domaines du social, de l'affectif, du sport, de la misère, des affrontements. Ce nouveau dépôt a fait surgir à son tour des signes indiquant une orientation à l'intérieur de laquelle le désir, le combat, le pari, l'habileté, le courage, l'obstination devenaient les clefs des signes retenus. Il en résulte ces couloirs d'exposition où les comportements s'affichent, chacun dans sa propre transpiration vitale, accompagnés de neuf images, sans aucune volonté d'illustration, indiquant par là même que chaque sueur appartient à un damier insondable.» Jean-Jacques Viton.
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La vie quotidienne dans une mairie de gauche et de banlieue au temps de Chirac est un mélange d'affaires courantes et de situations cocasses. Marie Basmati, qui n'est pas indienne, est madame la maire. Dans «sa» ville et dans son bureau, elle vit pleinement ses convictions et ses amours. Suivons-la, quelques jours durant. Un scandale rôde.
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Il faut prendre au mot les coquilles typographiques, par exemple celle-ci, lue un jour dans un journal : 'Les Trois contes de Gustave Flaubert sont l'un des sonnets de la littérature universelle.' Trois pontes ont été déduits, de manière ouvertement oulipienne, de cette bourde. Le coeur simple de la Marie Bismati d'Une mauvaise maire y est devenu plus coriace sous les apparences d'Une bonne maire ; Héraclès, esprit libre et laïc, y court le sanglier : Armand-Gaston Camus, conventionnel, figure avec dignité la Ire République trahie, en 1793, par le général Dumouriez. Trois pontes au panthéon de La République roman.
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C'est sur un tempo lent, une flânerie sensible mais savante aussi. C'est un prélèvement musardier, aigu encore, comme un herbier d'émotions, d'inclinations et qui coupe l'histoire du saxophone ténor : presque d'un Freeman l'autre (de Bud à Chico) ; plus précisément : de Coleman Hawkins à David Murray ; un éventail de cinquante-trois portraits où le plus chaleureux et neuf du cuivre en Si bémol se trouve présent. Une déambulation (walkin' or strollin') sur cinquante ans où s'intriquent délicatesse et rugosité, styles et styles ajoutés comme des positions amoureuses multipliées, diverses, intransitives que l'écriture accoste, accompagne, courtise et ressaisit absolument. Le ténor, cette tendance secrète, cette pudeur caressante du ténor, vous l'entendez ici. La ballade, la lumière douce dans l'âge entier de l'instrument. Éclairages intimes ; tamisages de proses nettes qui savent si bien balancer, swinguer la mélodie dans le treillis des mots. Ici le ténor est lu au filtre de l'alentissement, l'instrument-roi s'écoute en camaïeu de son essentielle couleur. Blue Notes étirées, embrassées, chuchotées, vous les entendez, à cette propre respiration, tempos lents, pour ténors, pour le coeur du plaisir : car au meilleur faire le jazz comme l'amour appelle l'attention à la peau, sa respiration - la lenteur.