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Le Quartanier
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Pendant quelques années, Tommy Madsen est le plus grand. Lutteur athlétique et sauvage, champion en titre, il galvanise les foules tout en se refusant aux outrances théâtrales, jusqu'à ce qu'un combat aux conséquences tragiques brise sa carrière. Madsen perd sa ceinture, puis sa famille, et s'isole dans sa maison de Stowe, dans les montagnes Vertes. Il n'en sort plus que pour livrer de rares combats, délaissant peu à peu le ring. Mais Guillaume Fitzpatrick apparaît sur le pas de sa porte. Il est journaliste sportif, il sera son biographe officiel. Assisté par Hugo Turcotte, un collègue fin connaisseur de lutte, il est venu en Nouvelle-Angleterre interviewer Madsen, son entourage et les vétérans du gym de Burlington où l'ex-champion a fait ses classes vingt ans plus tôt. Mais une histoire en cache toujours une autre; Turcotte et Fitzpatrick l'apprendront bien assez vite. Ils déterrent de vieilles rancunes et quelques squelettes au passage, déclenchant un jeu funeste d'attaques et d'esquives dont ils auront à payer le prix.
Entre le Québec et les États-Unis, entre l'univers des frères Rougeau et celui des frères Coen, L'homme qui a vu l'ours raconte les coulisses d'un monde noir et extravagant où les blessures ne sont pas toutes mises en scène. -
Cette idée, aussi, d'être Blancs, et assez fous pour partir un mois en Inde, sur les traces des Beatles. Cette idée de penser que les quatre étoiles, les wagons de première classe et notre amour nous protégeraient des reflux d'acide, des regards hostiles et de la possibilité concrète de mourir, à court de grâce, main dans la main, dans les rues de Delhi.
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Nicolas Jones a la trentaine noire, une peur bleue des rapports humains : le passé l'a laissé dans un sale état. Il est aussi vaguement poète, ce qui n'arrange pas les choses. Une femme l'attend, mais lui se coupe chaque jour davantage de ses semblables, d'un monde qu'il éprouve par le prisme d'une mythologie échevelée où se croisent le hockey, les cow-boys et le rock qui rit jaune. Un soir de vapes, où Jones est au plus bas, un vieux paria un peu ours, couturé de défaites lui aussi, le relèvera. Sans se connaître, ils se reconnaîtront frères de déglingue.
Western métaphysique où les duels avec soi conduisent à enjamber le garde-fou des ponts, La ballade de Nicolas Jones raconte en parallèle les amours ratés, les humiliations et les violences qui ont fait ces deux déclassés magnifiques - jusqu'à l'épreuve d'une mort annoncée. Mais il raconte aussi les échappées où tout à coup plus rien n'est joué d'avance.
Si La ballade de Nicolas Jones, par sa langue cinétique, dessine un monde où la beauté naît dans l'âpreté et la hantise, on reste du côté des vivants, du côté de ceux que la vie touche jusqu'à l'os mais qui, contre toute attente, tiennent jusqu'à la vingt-cinquième heure. -
Chaque fois que je sors de moi-même, je me liquéfie, au gré des journées de travail et des villes où je m'égare, étranger. Je m'arrache du lit le matin pour retomber en enfance ou en convulsion devant les cadences d'un monde durci. Partout l'avenir passe pour mort et j'essaie d'habiter le présent dans un univers d'algorithmes où règnent l'évasion et l'expérience client - pour un peu, j'y croirais encore. Il y a les voix de mes parents et tous mes âges emmêlés, il y a des nuées d'oiseaux jaseurs et mon corps couvert de cendres. Il y a les signes multiples que nous courons à notre perte et l'évidence de ma bonne fortune. Je sais bien qu'on dort toujours sur le Vésuve, n'empêche : j'apprends à être là pour ceux que j'aime.
- P. R.