L'anarchisme, malgré la multiplicité des théories qui peuvent s'en réclamer, repose sur plusieurs principes pouvant constituer quelques dénominateurs communs : le rejet de l'autorité coercitive qui appelle à la libre association ou fédération d'individus entre eux ; le rejet du capitalisme et de l'exploitation qui induit la réorganisation de la production ; le rejet de l'aliénation qui conduit au développement de l'esprit critique, premier pas pour briser la servitude volontaire...
Au regard des crises qui traversent actuellement le monde (crise du capitalisme, de la représentation, de l'environnement...), l'anarchisme devient d'une brûlante actualité. Les courants multiples qui le nourrissent se retrouvent ainsi unis dans des combats menés de concert pour construire la société future. L'anarchisme revêt aujourd'hui une dimension internationale empreinte d'expériences et d'actions diverses, aux échelles et aux modalités variables mais dont l'impact est loin d'être négligeable.
Des mouvements altermondialistes aux expériences révolutionnaires comme au Chiapas ou au Rojava, en passant par les hackers ou les communs, l'anarchisme exerce une influence politique qu'il est nécessaire de comprendre pour saisir les nouvelles dynamiques géopolitiques.
Qu'est-ce que la civilisation ? Qu'est-ce que cette construction étrangère mêlant politique, économie, morale et même écologie, à laquelle nous continuons à nous rattacher comme à une bouée de sauvetage ? Qu'est-ce que la civilisation lorsqu'il devient de plus en plus évident que les « civilisés » le sont bien peu - et qu'en leur nom se perpètrent les pires violences, les pires injustices, jusqu'à la destruction même de la planète ? S'inscrivant dans les pas des figures fondatrices de l'anthropologie anarchiste telles que David Graeber ou James C. Scott, Edouard Jourdain propose un vaste périple au coeur des ambiguïtés de cette si étrange civilisation - et de son double nécessaire : la sauvagerie. Car, bien loin de ne concerner que des simples détails esthétiques ou des divergences de moeurs, le pas de côté du côté du « sauvage » devient une manière de remettre en cause jusqu'aux évidences en apparence les mieux assises de notre « civilisation » : propriété, État, individu, droit, démocratie. Face à l'effondrement de la civilisation issue de la modernité, c'est du côté du sauvage que les civilisés trouveront peut-être de quoi penser enfin leur condition - et ses possibles échappatoires.
Le substantif « communs » (de l'anglais commons) est d'usage relativement récent en français. Mais la réalité qu'il désigne est de tous les temps?: les communs, ce sont les ressources gérées collectivement par une communauté. La notion a réapparu aujourd'hui face à la menace de leur disparition. Remise sur le devant de la scène grâce, notamment, aux travaux d'Elinor Ostrom (prix Nobel d'économie en 2009), la dynamique des communs est plurielle et prend de l'ampleur. Elle porte une capacité d'action inédite, orientée vers la prise en charge collective de multiples biens ou de services. En ce sens, elle est incontestablement politique?: elle touche à la volonté de réappropriation de la chose publique et induit de nouvelles formes d'engagement. Pour mieux gérer les communs, l'heure n'est-elle pas venue d'inventer de nouvelles formes d'organisation et de coopération?? Encore faudrait-il réévaluer les rapports sociaux et la répartition des richesses de manière à préserver ce qui compte réellement.
Rien de plus mondain, rien de plus séculier, rien de plus rationnel, en apparence, que l'économie. Et s'il ne s'agissait que d'une illusion ? Repoussant les évidences faciles d'une vulgate économique devenue idéologie par défaut du contemporain, Edouard Jourdain propose dans Théologie du capital de dresser la carte des liens qui existent entre les concepts économiques les mieux établis et leur origine dans les grands débats théologiques ayant émaillé l'histoire de l'Occident. De la propriété à la comptabilité, de l'idée de marché à celle d'intérêt, de la conception qu'on s'y fait du travail aux rêves cybernétiques qui en hantent les derniers développements, tous les concepts de l'économie moderne sont des concepts théologiques sécularisés. À l'heure où le modèle capitaliste chancelle sur ses bases, comprendre d'où proviennent les modèles intellectuels qui lui ont donné naissance représente une tâche plus urgente que jamais - car c'est de cette compréhension que pourra naître, peut-être, notre émancipation véritable par rapport à eux. C'est cette tâche que Théologie du capital affronte, en un geste aussi panoramique qu'érudit.
Elinor Ostrom est la première femme à recevoir le prix de la Banque de Suède dit "Nobel d'économie" en 2009. Cet accomplissement vient couronner une vie de travaux consacrés
à la notion de "communs" : des organisations sociales qui gèrent collectivement des ressources en se donnant leurs propres règles. Son oeuvre foisonnante montre comment ces formes d'auto-gouvernement sont souvent plus à même de préserver les biens communs que l'Etat ou le marché seuls.
A l'heure des crises sanitaires, écologiques et sociales, cette première monographie en langue française consacrée à Elinor Ostrom vient ainsi réparer une injustice et provoquer le débat sur un dépassement du clivage public-privé, initiant un profond renouvellement de la pensée économique, sociologique et par-dessus tout politique.
« Qu'est ce que la propriété ? C'est le vol », « Dieu, c'est le mal ». On ne retient le plus souvent de Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) que ces formules provocatrices, dont l'écho n'a d'égal que leur incompréhension. Il a été taxé de petit-bourgeois, de communiste, ou de réactionnaire par ses adversaires de tous bords. Sa pensée mérite pourtant d'être redécouverte, car sa critique radicale des institutions sociales ouvre sur une pensée du droit très originale.
La propriété, c'est le vol ", cette phrase connue de Proudhon dans Qu'est-ce que la propriété ? (1840) fit scandale.
Proudhon (1809-1865) participe au bouillonnement des idées socialisantes du XIXe siècle avec Marx, Bakounine, ou encore Fourier
La propriété, c'est le vol ", cette phrase connue de Proudhon dans
Qu'est-ce que la propriété ? (1840) fit scandale.
Proudhon (1809-1865) participe au bouillonnement des idées socialisantes du XIXe siècle avec Marx, Bakounine, ou encore Fourier...Marx qualifia son socialisme de scientifique. C'était un penseur aussi isolé qu'il fut novateur et qui ne se reconnaissait pas dans les camps idéologiques de son temps. Son œuvre a été récupérée par de nombreux courants, parfois contradictoires.
S'il demeure un homme du XIXe siècle, les lignes de force de sa pensée ont traversé le XXe siècle, parfois souterrainement, pour rejaillir aujourd'hui. Le rôle de l'État, les droits de l'homme, la justice, l'organisation du travail, l'accès au crédit, la sécularisation, la guerre, l'utopie : toutes ces interrogations de Proudhon demeurent encore les nôtres. Tout en présentant la pensée de Proudhon dans son impressionnante diversité et dans sa vive complexité, Édouard Jourdain lui imprime une nouvelle force en la confrontant à des auteurs plus proches de nous : d'Elinor Ostrom à Paul Ricoeur, de Georges Gurvitch à Chantal Mouffe, de Julien Freund à Hannah Arendt.
Loin du petit bourgeois auquel l'a réduit un certain marxisme, c'est un penseur dégagé de tout dogmatisme, vivifiant le débat politique que découvrira le lecteur.
La pensée de Proudhon est complexe et se polarise sur des domaines aussi diversifiés que l'économie, la politique, la religion ; la sociologie, l'art ou la morale. Deux concepts corrélatifs nous permettent de saisir la cohérence de cet ensemble : Dieu et la guerre. Proudhon, en effet, pense systématiquement la guerre, loi universelle du genre humain, dans son rapport avec Dieu, c'est-à-dire l'Absolu. De cette manière il effectue l'archéologie de l'Etat, des pouvoirs, de la morale et des rapports sociaux en général.