Frantz Fanon (1925-1961), psychiatre d'origine martiniquaise, bâtit en quelques livres une oeuvre révolutionnaire dans laquelle il s'applique à décrire le système colonial et ses conséquences inévitables : le racisme et l'aliénation qu'il engendre. Mais il va aussi s'engager très concrètement, en Algérie. Rejetant toute forme d'obscurantisme, il entend défendre une Afrique libre, socialiste, démocratique et laïque. Son ambition ? Ni plus ni moins que forger un nouvel humanisme, assumant les traditions locales comme la boussole universaliste, récusant tout impérialisme et permettant à tous de s'épanouir librement.
Édouard Glissant (1928-2011) déploie un archipel conceptuel et imaginaire unique. Contre la théorie de système et l'unicité close, Glissant aborde le monde par l'identité-relation, la pensée archipélique, le droit à l'opacité et la mondialité, revers de la mondialisation. Au coeur du Tout-monde, fait de relais en réseaux, le processus imprévisible de la créolisation milite pour le vivant et sa diversité. Aborder l'oeuvre multiforme d'Édouard Glissant suppose de saisir la variété de son inventivité : le poète, le philosophe, le romancier, le dramaturge, le penseur politique, l'historien de la mémoire des esclavages et le critique d'art. Autant d'entrées jubilatoires dans l'une des oeuvres les plus fécondes de notre temps.
Le malaise de Stendhal (1783-1842) face à l'autorité est une dimension essentielle de son oeuvre. Rétif à la subir, il se sent également inapte à l'exercer. Son oeuvre constitue une vaste insurrection imaginaire contre l'ordre établi, assise sur les moyens du burlesque, de la dérision et de l'ironie.
Ce n'est pas seulement l'Ancien Régime que ce libéral combat, mais le pouvoir en général, envers lequel il exerce son scepticisme. C'est cette insoumission fondamentale qui confère à l'oeuvre de Stendhal sa puissance de séduction et sa force subversive.
Connue pour son oeuvre littéraire, Christine de Pizan (1364-vers 1430) a en fait développé une véritable pensée théorique du bon gouvernement. Au-delà de sa poésie, ce sont ses traités, en vers et en prose, qu'on découvrira ici : ils donnent à voir une autrice soucieuse du respect qui devrait exister entre les femmes et les hommes, comme des relations de paix à inventer entre les différentes factions dont les querelles ensanglantent alors la France. Un siècle avant Machiavel, Christine de Pizan se veut conseillère des princes et s'engage dans le débat politique alors que nul ne l'y attend.
« Coralie Delaume connaissait mieux que quiconque cette forfaiture intellectuelle qui consiste à assimiler le "souverainisme" (le suffixe en lui-même n'est là que pour faire de ce mot un stigmate) à un identitarisme. Alors que la souveraineté n'est que l'autre nom de la démocratie, faire de sa défense une forme de nationalisme et de "fermeture à l'autre" (selon le vocabulaire en vigueur) permet de maquiller en noble ouverture le contournement systématique de toutes les institutions démocratiques par des instances "indépendantes", c'est-à-dire non élues. Pendant des années, à travers ses articles, ses interviews, Coralie a dévoilé cette trahison opérée notamment au nom de l'idéal européen. (...)
Toute chose qu'elle faisait avec une précision chirurgicale. (...) Reste aujourd'hui ce texte, qui embrasse sa pensée, qui pose des jalons et trace un chemin pour quiconque, parmi les gouvernants, aurait l'ambition de perpétuer la France et la République. Ce texte, et tous les autres, comme une obligation, pour ceux qui restent, de ne pas laisser se défaire encore un peu la démocratie. Pour que nous poursuivions, à notre tour obstinés, le combat contre l'hypocrisie, les forfaitures et les mensonges, ces fantômes devant lesquels Coralie Delaume a jusqu'au bout refusé de s'incliner. » (Natacha Polony)
Tout au long de son existence, Franz Kafka (1883-1924) vit un conflit entre la nécessité de se conformer aux règles de sa communauté et les exigences de sa vocation littéraire. Quel est le sens de ces assauts que lancent les exclus, doubles de l'auteur, pour arracher leurs droits ? Qu'espèrent-ils en cherchant à interpeller les maîtres anonymes du Tribunal ou du Château ?
Il est d'usage de parler de la langue de Shakespeare. Cet ouvrage démontre qu'on pourrait tout aussi bien parler du droit de Shakespeare. Poète national qui forge le roman politique et juridique de la nation anglaise au tournant de la Renaissance, Shakespeare est l'archétype de ces « législateurs cachés » dont parle Shelley.
Jean-François Duval fait revivre Buk et les Beats, tout en nous montrant les liens et les contradictions entre « le poète des caniveaux » et les « anges de la désolation » du mouvement beat, au travers d'un essai inspiré, d'une bibliographie, d'un Who's Who exhaustifs, et d'illustrations originales, et suivi d'un entretien réalisé jusque tard dans la nuit du 17 février 1986 au domicile de Bukowski, à San Pedro.
Soixante ans après la disparition d'Ernest Hemingway, le temps est venu de dépasser les clichés associés au virilisme d'une oeuvre hantée par la mort, côtoyée dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. L'auteur de "L'Adieu aux armes" se donna pour tâche de témoigner de la situation del 'homme jeté dans un monde qui le dépasse mais auquel il lui revient de donner sens.
C'est ce personnage paradoxal, cet individualiste engagé, ce violent romantique, ce moraliste sans message, ce romancier prométhéen qui affirmait que l'homme peut être détruit mais pas vaincu, et dont tous les personnages, comme lui-même, sont des êtres-pour-la-mort, que ce livre se propose de mettre au jour.
Depuis longtemps déjà, la satire d'un droit encombré de procédures paperassières avait placé les personnages de Rabelais sur le chemin d'une loi plus maigre et d'un juge d'équité. Plus de nerf et moins de chair, pourraient dire ces nostalgiques de l'âge d'or, dont l'économie normative semble faire écho à notre libéralisme politique.
L'aveu peut-il délivrer le coupable de sa faute ? L'institution judiciaire est-elle en mesure de provoquer un tel aveu ?
Pourtant, même perverse, même coupable, la justice reste un passage obligé pour la conscience coupable. En quel autre lieu la faute pourrait-elle est confessée à la face du monde ?
Poète, romancier, essayiste, critique littéraire et musical, historien d'art, homme de radio et de télévision, Max-Pol Fouchet a pour ami de jeunesse Camus. Ensemble, ils ont rêvé d'écrire et de changer le monde, avant de se séparer définitivement pour cause de rivalité amoureuse. Cent après sa naissance, Adeline Baldacchino nous propose un récit en forme de quête et s'interroge sur les ressorts de la mémoire et de l'écriture: "
Par une association d'idées fortuite, Catherine Neykov brise un secret de famille et retrouve le souvenir de Juliette, sa tante et marraine, qu'elle visitait enfant à l'hôpital psychiatrique de Maison-Blanche. Née dans l'Indochine coloniale, cette jeune femme gracieuse mais réservée s'y fiança à un homme que ses parents l'empêchèrent d'épouser.
Une recherche à travers l'univers parfois kafkaïen des archives va révéler le parcours singulier de cette amie de jeunesse de Marguerite Duras, qui inspira vraisemblablement le personnage d'Hélène Lagonelle dans "L'Amant". Conseillère d'orientation dans les années 1950, elle milite pour l'accès des filles aux études secondaires quand, victime de harcèlement moral, elle est internée à l'initiative de sa hiérarchie.
Juliette Ropion était-elle vraiment schizophrène ? L'examen du dossier médical, analysé avec l'aide d'un psychiatre historien, montre que non et constitue un témoignage accablant sur la pratique asilaire de l'époque.
Une enquête historique et littéraire sur les traces d'une héroïne oubliée, portée par une écriture exigeante, élégante et poétique.
« Sensible et philosophe, Jean-François Duval m'a dès notre première rencontre réjoui de par sa joie espiègle, qui perce à travers les pages qui vont suivre. Son livre est comme un guide de voyage pour assumer allègrement le tragique de l'existence, sortir des oeillères du moi et aimer librement, à tout vent. Lui emboîter le pas, c'est assurément rester en mouvement, comme le voulait Montaigne, faire route toujours et être gentiment convié à une exploration perpétuelle, quand bien même il n'y aura jamais, et heureusement, de réponses définitives. » (Alexandre Jollien)
Avec "Bref aperçu des âges de la vie", Jean-François Duval nous livre un récit original et plein de fantaisie sous forme de petites proses, ainsi qu'un regard très personnel sur les grandes questions qui nous traversent au fil des trois âges de la vie : la jeunesse, l'âge d'exister et l'âge de mourir.
Comme l'écrivit La Bruyère, il apparaît de temps en temps sur la surface de la Terre des hommes rares. Tel fut Albert Camus. Ennemi du terrorisme d'État, ennemi du terrorisme tout court, il fut la voix de ceux que l'on privait de parole. Pour lui, l'axe fondamental de l'action politique devait être de ne pas consentir au Mal et de ne pas légitimer le meurtre. Une leçon qui ne sera jamais perdue.
Juriste de formation, abbé de son état, lexicographe par passion, Antoine Furetière, l'un des Quarante de l'Académie française, en fut honteusement expulsé en 1685 pour avoir outrepassé le monopole royal dont bénéficiait l'Académie en matière de dictionnaire. En 1690, il publia son Dictionnaire universel, dont la modernité lui valut un succès immédiat.