L'Association poursuit ses rééditions de Gébé, un des plus grands auteurs du XXe siècle sur tous les plans : poétique, graphique, politique. Dans L'Âge du Fer, il n'y a plus rien de minéral, de végétal, d'humain : rien que des boulons, des écrous et de la tôle à perte de vue. On est proche du Gébé de la Lettre aux survivants, celui qui tire la sonnette d'alarme en nous montrant ce que pourrait être bientôt le pire, s'il n'est déjà là. Et toujours avec l'esprit et la classe qui font de lui le plus visionnaire de tous.
Au début des années 1960, dans Hara-Kiri, Gébé donne vie à une drôle de créature, ni homme ni ani- mal, grotesque et angoissante, qui évolue dans des situations à la fois inquiétantes et loufoques. Berck apparaît comme un nouveau fléau de la société, indestructible sous son apparence bonhomme. Il sème la panique dans la population qui, néanmoins, se résigne à l'accepter comme une fatalité. L'univers décalé de Gébé met en scène un Berck qui se joue de toutes les situations de la vie quotidienne, se gavant d'éther et de mercurochrome pour coucher à l'hô- pital, tuant son ennui en crachant dans une bassine jusqu'à la faire déborder. En matérialisant d'image en image une véritable bombe à retardement, Gébé imagine un type unique de personnage de bande dessinée : le héros purement négatif, absurde, anar- chiste et poétique.
DANS LA MAISON, sous le toit où l'on devine des hiboux, entre des tranchées de livres, de journaux et de paperasse, il y a une table à dessin ; et devant elle, un peu caché par une muraille de mystères, il y a Gébé, fidèle à son poste de sentinelle.
Mais que guette-t-il, à cette heure tardive de la nuit? Au fond, il ne le sait pas lui-même, car c'est toujours sans prévenir que s'avancent sur sa feuille blanche des silhouettes, des paysages, des constructions échafaudées sans le moindre plan, et puis des mots, des rêves, des idées qui se bousculent et trépignent. Il faut l'entendre, ce vacarme sur le papier! et il faut savoir s'y perdre, dans ces histoires, ces rires, ces drôles de folies, dans ces milliers de dessins qui dorment auprès des mulots.
Il faut s'y perdre, pour mieux se retrouver. Et celui qui se retrouve n'est plus tout à fait le même: sans prévenir, il a fait " un pas de côté ".
Après Un pas de côté, les Cahiers dessinés proposent un choix des dessins humoristiques de Gébé publiés dans les années cinquante, avant Ha ra Kiri, avant Charlie Hebdo.
Parus dans la grande presse de l'époque - Paris Match, Ici Paris, Punch - ils sont restés jusqu'ici inédits en album. On y découvre le Gébé insolite, précis et drôle, avec ce charme indéfinissable qui émane de son trait, de ses personnages, de ses décors familiers ou absurdes. Un livre indispensable pour tous les amateurs du grand dessin d'humour.
Entre 1970 et 1972, dans les pages de Politique hebdo puis de Charlie, Gébé publia L'An 01 (" On arrête tout, on réfléchit, et c'est pas triste "), l'utopie la plus marquante (et la plus marrante) apparue en France au cours de cette décennie, née des espoirs soulevés par mai 1968, qui donnera lieu à un film coréalisé avec Jacques Doillon et Alain Resnais en 1973.
Six ans plus tard, la réélection de la droite, les crises pétrolières et la montée du chômage ont brisé cet élan. À l'été 1979, toujours dans Charlie hebdo, Gébé récidive en publiant Tout s'allume, post-scriptum lucide à L'An 01, réflexion poético-politique fictionnelle sur les possibilités encore existantes de changer la société, de faire plier le pouvoir par le refus d'hommes éclairés de participer à un système de plus en plus aliénant.
Avec trente ans d'avance, ce brûlot sans concession semble à maints égards annoncer un mouvement comme celui des " indignés ". " Film à faire " de forme mixte, mi-bande dessinée, mi-texte, Tout s'allume est ici publié en livre pour la première fois.
Ne s'agissant ni de dessins de presse, ni d'articles de journaux, cette série écrite et dessinée est publiée fin des années 90 dans Charlie Hebdo et constitue une aventure graphique exceptionnelle sans équivalent dans l'histoire du dessin. Gébé s'y révèle dans toute sa maturité, mêlant la prouesse calligraphique, l'humour, la poésie, le sens critique sur des évènements d'actualité, parfois des voyages (en Israël et en Palestine notamment). La sensibilité de Gébé affleure tout au long de la série que le livre réunira intégralement. Il s'agira d'un album de grand format d'environ 56 pages. Cette oeuvre trouve sa place dans les Cahiers dessinés qui poursuivent la mise en lumière de la relation entre l'écriture et le dessin.
Gébé, né en 1929, nous a quittés le 5 avril 2004. Il laisse derrière lui une oeuvre dessinée absolument immense ! Dessinateur infatigable, écrivain, scénariste de film dont l'An 01 avec Jacques Doillon, Jean Rouch et Alain Resnais, Parolier (pour Yves Montant et Juliette Gréco), il fut le rédacteur en chef de Hara-Kiri puis de Charlie-Hebdo. En 1986, il devient aussi le rédacteur en chef de Zéro.
Dans les années 6o, à Hara-Kiri, ils cherchaient un bon reporter, coriace et pétri d'humour.
En attendant l'oiseau rare, qui ne s'est jamais présenté, je les ai un peu dépannés. J'ai fait ce que j'ai pu. Ceux qui, après avoir lu ce livre, estimeront qu'ils auraient infiniment mieux fait l'affaire peuvent aller proposer leurs services à l'adresse suivante : 4, rue Choron, Paris. C'est là que l'aventure Hara-Kiri a commencé. Peut-être n'y trouveront-ils plus personne capable de comprendre ce qu'ils veulent.
Bon début pour un reportage pas tout à fait raté !
« Pas de posture, pas de comédie, pas de putasserie, pas de tricherie, pas de raffinage, du brut, de l'honnête ! » En 1969, L'Hebdo Hara-Kiri, puis son rejeton Charlie Hebdo, issu de l'interdiction du premier en 1970 pour sa Une « Bal tragique à Colombey » voient le jour. Et avec eux une nouvelle façon de traiter l'actualité.
Les dessinateurs rassemblés autour de Cavanna et du Professeur Choron couvriront avec audace, curiosité et rage ces treize années qui ont vu se jouer les plus importantes mutations politiques et sociales de la seconde partie du xxe siècle.
À travers près de 700 Unes, cet ouvrage nous invite à une mise en perspective des événements : abolition de la peine de mort, libération des moeurs, droit à l'avortement, émergence de l'écologie politique, chute des dictatures espagnole et portugaise, fin de la guerre du Vietnam, passage de la gauche au pouvoir. À la pointe des grands débats de l'époque, Charlie Hebdo ne s'est pas contenté de commenter l'actu, il l'a faite !
13 ans d'histoire revisités en 320 pages et près de 700 Unes, signées par Cabu, Carali, Dimitri, Fournier, Gébé, Golo, Hugot, Nicoulaud, Reiser, Siné, Willem et Wolinski, et présentées par des témoins de l'époque : Robert Badinter, José Bové, Cabu, Carlos Giménez, Iegor Gran, Gisèle Halimi, Alain Krivine, Raymond Marcellin, Bernard Maris, Fabrice Nicolino, Jack Ralite, Michel Rocard et Luis Sepúlveda.
Le roman-photo, tout le monde s'en fout pas mal.
Dans les années 60 et 70, de nombreuses revues ont trainé le genre dans la boue, en publiant des romans-photos à deux balles pour faire du fric. Le roman-photo aujourd'hui, plus personne n'en publie à part Nous Deux, qui est devenu une chose toute vieille avec son nez refait 10 fois et qui va mourir d'une embolie.
Ce qui fait qu'encore aujourd'hui, le roman-photo est un continent inexploré. Quelques voyageurs s'y sont quand même aventurés, le plus grand d'entre eux se nomme Gébé. Ce livre rassemble les romans-photos qu'il a réalisés avec Lépinay, photographe d'Hara-Kiri. Malheur à qui me dessinera des moustaches n'a pas de pacemaker, il ne s'est pas fait opérer de la hanche et les nouvelles générations d'auteurs ne la ramènent pas quand ils le croisent sur leur chemin.
Parce que quand même, dans Malheur à qui me dessinera des moustaches, il y a Cavanna, Cabu, Reiser et le Professeur Choron qui jouent. Tandis que dans Nous deux, il n'y a que des acteurs italiens de seconde zone.