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RACKHAM
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La légende urbaine voudrait que Leonardo DiCaprio ait enchaîné trente-deux conquêtes - toutes de sublimes top models - mais sans tomber amoureux d'une seule. Faut-il en chercher les raisons dans les arcanes de la société de consommation et sa propension au narcissisme ? Dans les lois de la biologie ? Ou, tout bêtement, dans le fait que ce cher Leo ne soit pas encore tombé sur la bonne ? Et nous, dans tout ça, sommes-nous, comme lui, des complexés de l'engagement ? Liv Strömquist, que l'on ne présente plus, a choisi d'intituler sa nouvelle bande dessinée La rose la plus rouge s'épanouit, en référence et hommage à un vers de la poétesse américaine féministe Hilda Doolittle (H.D.) qui, dans sa vie comme dans ses écrits, prônait des amours libérées. Une nouvelle occasion pour elle de disséquer les comportements amoureux à l'ère du capitalisme tardif et de les interroger : comment maîtriser les élans du coeur ? Que faire en cas de chagrin d'amour ? Pourquoi les histoires d'amour finissent-elles mal, en général... ? Et pourquoi certaines personnes papillonnent-elles sans jamais se poser ? Avec sa pertinence et son humour habituels, l'auteure entrechoque les références attendues et d'autres qui le sont moins - entre Beyoncé, les Schtroumpfs, des acteurs de télé-réalité, Jésus ou encore des sociologues... - pour sonder les coulisses de la passion. Savez-vous que Socrate était un véritable Don Juan avant l'heure, ou bien ce qu'est devenu Thésée, une fois le fil amoureux d'Ariane rompu ? Ou, encore, connaissez-vous Lady Caroline Lamb, ici érigée en modèle, dont les coquetteries avec Lord Byron ont défrayé la chronique de l'époque ? Autant d'exemples qui permettent à Liv Strömquist de dévoiler une véritable anatomie de l'éros en quelques battements...
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En 2003, la philosophe Susan Bordo affirmait que nous vivons dans un «empire des images» et, ces dernières années, cette expression est devenue de plus en plus vraie. Un appareil photo ou un iPhone à la main, nous alimentons sans cesse les réseaux sociaux et nous nous noyons dans un flot d'images. Nous communiquons par l'image, nous datons les événements par le biais d'images, nous racontons notre vie et nous connaissons celle des autres par des images et nous avons même des réunions Zoom avec une autre image.
Aujourd'hui, peaufiner la façon dont chacun se présente dans une photo occupe une partie considérable de notre quotidien. La beauté de cette image en est devenue un élément central ; cela est vrai en particulier pour les femmes qui doivent maintenant l'entretenir tout au long de leur vie, bien plus longtemps qu'auparavant.
En affichant toutes les photos publiques d'elle-même chaque femme est devenue, d'une certaine manière, une célébrité et chaque jour nous sommes accablés par des milliards de photographies et de selfies de femmes magnifiques, dont la beauté est à la fois célébrée, idéalisée et appropriée par le capitalisme qui en a fait une marchandise.
Dans les pages de Dans le palais des miroirs, Liv Strömquist analyse l'idéal contemporain de beauté féminine développant sa réflexion en cinq différents volets qui explorent tour à tour ce sujet sous un angle différent. Liv Strömquist y décortique les raisons du succès de l'influenceuse Kylie Jenner, évoque le mythe biblique de Jacob, Rachel et Léa ou les déboires de l'impératrice Sissi, s'attarde sur fameuse dernière séance de photos de Marilyn Monroe ou analyse le personnage de la belle-mère de Blanche-Neige.
Autant de thèmes choisis pour nous parler du désir mimétique qui nous pousse à nous imiter les uns les autres, du lien étroit entre apparence et amour, de la façon de photographier aujourd'hui les femmes, du changement du rapport entre âge et beauté et de comment l'image de soi peut devenir un encombrant fardeau.
Fidèle à son style, toujours tranchante, ironique et drôle, Liv Strömquist appuie ses propos sur les faits et gestes d'une foule de personnages historiques, acteurs et stars de la télé tout autant que sur la pensée de philosophes, historiens et sociologues tels Simone Weil, Zygmunt Baumann, Byung Chul Han, Eva Illouz, René Girard, Susan Sontag ou Richard Seymour. -
C'est d'épouses, fiancées et copines dont il est question dans ce livre... Madame Elvis Presley, Madame Joseph Staline, Madame Jackson Pollock... et plein d'autres. Réunies par un seul et même destin : être les victimes d'hommes incapables de se comporter de façon normale et raisonnable avec leur partenaire. Qui étaient vraiment ces femmes et comment leur désir de vivre un amour romantique a pu pourrir à un tel point toute leur existence ? Page après page, Liv Strömquist lance ses flèches empoisonnées contre l'ordre patriarcal. Elle en explore dans les moindres recoins les dispositifs de domination sans oublier de donner au passage, toujours avec l'humour cinglant et la légèreté qui sont les siennes, des réponses à des questions telles : Qui étaient les pires boyfriends de l'Histoire ? Pourquoi Ingmar Bergman a cru bon féconder toutes les femmes qui, en Suède, avaient des ambitions artistiques ? Pourquoi l'archange Gabriel appelait les femmes des « putains » ? Pourquoi tous les enfants sont-ils des conservateurs bien de droite ? Et pourquoi les hommes qui défendent le plus les valeurs de la famille nucléaire (à l'instar d'un certain Pape) ne vivent jamais dans ce type de famille ? En s'appuyant sur des références qui vont de la sitcom « Friends » à la biographie de Staline de Simon Sebag Montefiore, Liv Strömquist poursuit avec intelligence et finesse sa critique sans concessions des valeurs masculines qui dominent la société contemporaine.
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À longueur de journée, Buscavidas traîne son embonpoint et sa bouille flasque et informe à la recherche de morceaux de vies à écouter, qu'il accumule dans ses archives labyrinthiques.
Ses terrains de prédilection : les bars louches, les bancs de jardins publics ou encore les coins de rues de quartiers pauvres. Tandis qu'il enrichit sa collection, Buscavidas se fait le confident d'une humanité affligée et désespérée, qui débite sans pudeur ses malheurs, des tracas les plus anodins aux crimes les plus abjects. Dans ces courtes histoires morales, Breccia et Trillo dressent le portrait de l'homme dans tout ce qu'il a de plus vil et méprisable.
Ce catalogue glaçant a été conçu entre 1981 et 1982 et composé alors que la dictature argentine prenait fin, s'en faisant l'écho retentissant. Exceptionnelle à plus d'un titre, cette nouvelle édition de Buscavidas comporte un épisode inédit en France ainsi que l'intégralité des ébauches des histoires, présentée en fin de volume. Y transparaissent, intactes, toute la force et toute la pureté du dessin de Breccia.
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Lorenzo et Manuel débarquent à Barcelone et emménagent dans un vieux immeuble du centre ville. L'appartement du dessous devrait être l'entrepôt d'un antiquaire ; cependant, ils n'ont jamais vu personne y entrer ni entendu le moindre bruit en sortir. Le mystère qui semble entourer ce lieu intrigue Lorenzo et finit vite pour l'obséder.
Après Cendres et Murderabilia, Álvaro Ortiz brille une fois de plus pour ses qualités de conteur dans un récit à tiroirs truffé de coups de théâtre et d'humour noir. Comme l'écrit Santiago García (le scénariste de Les menines et de Beowulf), « Des impénétrables relations existent entre une statuette phallique, un appartement vide en plein centre de Barcelone, un homme qui se liquéfie, Caravaggio et les forces cosmiques primordiales, mais elles n'ont pas de secret pour Álvaro Ortiz. Rituels est un récit kaléidoscopique où l'insignifiant et le colossal, le proche et le lointain, l'absurde et le grandiose s'entrecroisent dans une trame riche en mystères et surprises. ».
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Barcelone, 1943. Des lettres manuscrites fourmillant de problèmes intimes, conjugaux et familiaux, inondent les bureaux de l'une des émissions de radio les plus écoutées du pays. Provenant de femmes de tout âge qui subissent de plein fouet la politique régressive de l'Etat national-catholique, elles sont toutes adressées au Dr Elena Bosch, qui livre à l'antenne ses bons conseils. Eulalia Pilar est l'unique scénariste femme de l'émission ; une fois loin des ondes, la jeune trentenaire parcourt les rues à la recherche de son mari Alfonso, porté disparu, alors qu'elle doit accoucher dans quelques semaines et fait appel au detective Don Mauricio pour mener l'enquête.
Mais il se pourrait que, sous sa longue robe noire et ses traits angéliques, la jeune femme cache bien des secrets...
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Miguel Mármol naît en 1905 de mère célibataire, dans la petite ville d'Ilopango au Salvador. Enfant, il tente d'échapper à la misère en faisant le ménage dans une caserne où il se trouve confronté à la brutalité des soldats, puis devient cordonnier - métier qu'il exercera une grande partie de sa vie. Il mène en parallèle une activité syndicale intense qui le conduit à participer à la fondation du Parti Communiste Salvadorien (PCS) en 1930. S'ensuit un voyage en URSS où il affine ses connaissances idéologiques.
De retour au Salvador, il prend part au soulèvement contre le Général Martínez aux côtés du dirigeant du PCS, Farabundo Martí. Emprisonné et fusillé, il survit miraculeusement. Cet épisode est à l'image de ce que sera désormais toute sa vie : une vie passée à revendiquer la liberté et la justice sociale, faite de luttes contre dictateurs et propriétaires terriens entre menaces, réclusions et tortures. Dix autres fois Miguel Mármol s'est retrouvé face à face avec la mort, il en a échappé et a recommencé a se battre.
Les Douze Naissances de Miguel Mármol est le fruit de presque dix années de recherches autour du révolutionnaire salvadorien. Pour rendre compte de son destin mouvementé, Dani Fano s'est plongé dans les écrits d'Eduardo Galeano et les poèmes de Roque Dalton et s'est également rendu sur place. Un travail d'orfèvre qui lui permet de livrer un album sous forme d'hommage, à la fois poétique et passionné, évoquant à travers l'émancipation d'un homme les luttes des paysans indigènes, leurs légendes et croyances ancestrales ainsi que la beauté de leurs terres. Allégorie d'une vie qui fait un écho implacable à ce vers de Victor Hugo : « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent [...]. »
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Ville est un jeune auteur de bande dessinée plein d'ambition qui vient d'entamer une carrière prometteuse, avec déjà quelques livres à son actif et une discrète notoriété dans son pays. Il ne rêve que d'une chose : voir son travail publié en France, le pays de la bande dessinée, celui des auteurs qu'il admire et où bonheur et succès sont à la portée de tout artiste talentueux. Un jour, le rêve de Ville semble enfin sur le point de se réaliser : l'un des auteurs les plus populaires de France lui propose de collaborer à un album qui sera publié chez un grand éditeur français. Bonheur et succès semblent être à portée de main et Ville se précipite à Paris pour les saisir. Mais une fois sur place, les choses ne se passent pas exactement comme il l'avait imaginé et Ville se rend bientôt compte que tout ce qui brille n'est pas or...
Ironie, humour et une bonne dose d'auto-dérision émaillent les pages de ce récit aux fortes teintes autobiographiques où Ville Ranta met en scène, avec une remarquable franchise, les péripéties d'un artiste à la poursuite presque obsessionnelle de succès et fortune . En filigrane, l'auteur finlandais ne manque pas d'évoquer les relations difficiles, et parfois carrément impossibles, entre création et marché tout en brossant un portrait au vitriol du monde de l'édition et de la bande dessinée française. -
Une jeune fille erre dans une cité ravagée par un tremblement de terre où se font face ses habitants insoumis et une mystérieuse armée d'occupation. Sa progression vers le centre ville, dont l'accès est interdit à toute personne, est rythmée par des apparitions, des rencontres inattendues et des incidents curieux. Dans une ambiance qui se fait de plus en plus inquiétante, elle se retrouve enfin face à la devanture de ce qui fut le Cinéma Zénith... Dans cette oeuvre en trois volets, Andrea Bruno revient aux thématiques qu'il avait développé dans Bouillon de Néant : la guerre, ou mieux, les conséquences de la guerre sur les personnes et les choses. Dans Cinéma Zénith, Bruno explore toutes les possibilités offertes par le récit fragmentaire : les images, puissants contrastes de noirs profonds et de blancs purs, se succèdent dans un flux ininterrompu, tels des photogrammes de court-métrages projetés sur l'écran d'un cinéma abandonné ; les textes, qui rythment l'histoire et suspendent ce flux pour un court instant, ne sont à leur tour que des fragments : les souvenirs de la protagoniste, les passages d'une lettre qui lui a été adressée, les courts paragraphes d'un hypothétique guide de la ville. Récit visuel par excellence, Cinéma Zénith dégage une force et une ambiance dignes du cinéma de Tarkowsky ou de Béla Tarr.
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La toute dernière planche du premier volet de Cinéma Zénith avait laissé Anna, la protagoniste, seule devant l'entrée de la salle décatie du cinéma. Son dangereux périple pour rejoindre le centre de la vieille ville interdite n'avait fait qu'augmenter ses inquiétudes. Etrangère dans un pays hostile, en quête incessante de vérité sur ses origines, Anna errait d'énigmes en énigmes. Désormais prête à franchir le seuil, de nouvelles questions surgissent alors. Qui sont les « dieux » qui hantent ce lieu ? Quel genre de spectacles s'y déroulent ?
Ce cinéma est-il le seul véritable endroit qui résiste à l'envahisseur étranger ?
Et surtout : Anna parviendra-t-elle à déchirer le voile de ténèbres qui paraît l'envelopper ? Dans le deuxième épisode de son triptyque visionnaire, Andrea Bruno met en scène des personnages semblant issus d'une tragédie antique, qu'il appuie par son trait nerveux caractéristique, ici encore plus sombre et inspiré. Il façonne la matière et la lumière pour offrir de puissants contrastes, oscillant entre la profondeur des noirs et la pureté des blancs, dans la lignée d'univers dignes des oeuvres d'Andreï Tarkovski, Béla Tarr ou encore David Lynch.
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Suite à une maladie infantile, Kamilée souffre de surdité. Délaissée par des parents empêtrés dans leurs soucis personnels et incapables de s'occuper d'elle, la petite fille trouve refuge auprès de son grand-père. Au fil du temps, ils développent entre eux un langage de signes particulier qui leur permet de communiquer par le geste, au-delà du handicap. Devenue adolescente, Kamilée est désormais le bras-droit de son grand-père qui tient une boutique d'oiseaux.
Chargée des livraisons, elle part à la rencontre de drôles de clients, comme le mystérieux Ruben, passionné d'oiseaux des marais, et Madame Flora, à qui elle apporte régulièrement une pâtisserie au nom évocateur, le « plaisir pénétrant ».
Telle Ariane en son labyrinthe, progressant d'énigmes en énigmes au fil de leurs confidences, Kamilée renoue le fil d'une relation étroite qui unit son grand-père à ses deux clients, jusqu'à faire une découverte qui changera à jamais le cours de sa propre existence. À travers une fable des temps modernes, Kati Kovács explore avec légèreté et humour toute la complexité des relations humaines. Attachants, hauts en couleurs mais aussi fragiles et broyés par des drames intimes, les personnages que la dessinatrice finlandaise dépeint incarnent des chemins de vies brisées. Mais si leur passé témoigne d'une plongée dans un dédale, avec ses parts d'ombre et de secrets inavouables, l'issue se révèlera pour tous salvatrice.
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Dans une ville endormie, un homme reste cloué à son bureau. C'est l'Auteur. D'un geste nerveux, il met en boule une feuille de papier et la jette. Elle rejoint toutes celles qui sont amassées autour d'une corbeille trop pleine. Devant sa feuille blanche, de désespoir, l'Auteur prend son visage dans ses mains. Soudain, une ombre apparaît, qui lui glisse : " Passe ce manteau, il te guidera vers un lieu où tu trouveras ce que tu cherches tant...
Des histoires à raconter. " Ainsi commence le voyage de l'Auteur dans la Ville de l'Effroi. Pas à pas, le lecteur va suivre son chemin sinueux et semé d'embûches. Pas à pas, il va partager l'enthousiasme, la lassitude, les doutes et les convictions que chaque créateur traverse nécessairement. Puisant dans l'éternel mythe du séjour en Enfers de tout auteur en quête d'inspiration, Cahier des tourmentes surprend par la spontanéité de son ton et l'honnêteté de son propos.
Il est aussi une nouvelle démonstration du talent de David Rubin (Le Héros, Beowulf, Ether...). Inventions graphiques et références littéraires, artistiques et cinématographiques à foison servent une réflexion profonde et poétique sur les mécanismes de la création.
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Anna poursuit sa marche dans la ville en feu, où la lumière crue des flammes déchire la nuit éternelle qui paraît tout envelopper. Sous ses yeux, des images défilent, des scènes brutales, des découvertes douloureuses et des rencontres révélatrices. Sont-elles des séquences d'un film jamais projeté ou bien des hallucinations provoquées par le « lait noir » ? La quête d' Anna, complètement déboussolée, touche pourtant à sa fin ; il est temps pour le Cinéma Zénith de dévoiler tous ses secrets... Ce troisième et ultime volet de Cinéma Zénith montre Andrea Bruno au sommet de sa recherche visuelle et de son expérimentation narrative. Fragmentaire, faisant continuellement se succéder des images qu'il retient avant d'en déclencher leur pleine puissance, le récit se fait ici choral. Y résonne alors l'écho de tout un imaginaire littéraire, d'angoisses ataviques ainsi que d'allusions politiques.
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Mis en vignettes, l'un des plus vieux refrains du monde... Cela commence ainsi:
Depuis la nuit des temps, et se décline immuablement... Depuis la nuit des temps, donc, l'humanité se compose d'anonymes en quête d'un même butin... chacun souhaitant chasser la proie de son prochain. Depuis la nuit des temps, aussi, tout chasseur se trouve lui-même frappé par une intraitable amnésie... ne sachant vite plus vers quelle proie jeter son dévolu. Alors, lorsque, de temps en temps, l'un d'entre eux vient à changer son fusil d'épaule, c'est toute la face du monde qui s'en trouve ébranlée... Sous l'apparence d'un conte destiné aux tout-petits comme aux plus grands, Medhi Melki, avec ses fins crayons et ses justes mots à lui, remet en question la légitimité des normes façonnant notre société. Des normes qui nous sont imposées, dont l'absurdité n'apporte pourtant que tristesse et malheur, voire violence. Des normes qui nous gouvernent et qui conditionnent même les écarts que nous pouvons faire. Des normes qu'il invite à faire voler en éclats grâce à un récit facétieusement protestataire et poétiquement subversif.
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Quelques jours après la chute du mur de Berlin, un homme revient dans la ville qui l'a vu naître... et que peut-être il n'a jamais quitté. Il en arpente les rues dans un périple sans fin et ne s'arrête que pour écrire des courtes lettres à sa grand-mère, sans pourtant en attendre une réponse. Le passé refait lentement surface et ses souvenirs se fondent aux récits entendus de la bouche de ses proches... Il est entouré par des ombres qui se dessinent sur les murs ; les façades fatiguées des immeubles lui renvoient l'écho de langues désormais oubliées. Les fantômes des anciens habitants, que le XXe siècle finissant a emporté avec lui, l'entourent mêlant leurs voix avec celles des hommes et des femmes, ceux-ci bien réels, qui les ont remplacés.
En redonnant vie et forme à ses souvenirs familiaux, Elettra Stamboulis brosse par petites touches un portrait intime de Salonique, trait d'union entre l'Orient et l'Occident, ville à l'histoire millénaire et aux multiples facettes séfarades, valaques, arméniennes, pontiques, albanaises ; ville emblématique d'un pays à l'identité hybride, la Grèce. Le récit d'Elettra Stamboulis en parcourt l'histoire récente : l'Occupation allemande, l'extermination presque totale de sa communauté juive, la Guerre civile qui l'a divisée et ensanglantée, comme le pays tout entier. La plume d'Angelo Mennillo redouble la dimension poétique du texte de Stamboulis et forge une clé de lecture puissante et originale de l'histoire en noir et blanc qui a été, et continue d'être, celle de la République hellénique.
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Dans son Histoire Naturelle, Pline l'Ancien rapporte la naissance de la peinture : le bien-aimé de Dibutade, une jeune corinthienne, fille d'un potier de Sycione, va partir à la guerre. Elle profite de son sommeil pour tracer sur le mur, à l'aide d'un bout de charbon, le contour de son ombre pour pouvoir en garder le souvenir. À partir du récit légendaire de Pline et du multiple sens du mot du mot latin «filum», qui peut signifier intrigue tout autant que forme, Max imagine un récit où image et narration sont une seule et unique chose, où ce trait au charbon se déroule, se tend, se relâche et s'enroule comme un fil dans flux hypnotique et ininterrompu. Une plongée dans l'essence même du dessin, dans son sens primordial, que Max mène avec rigueur, virtuosité et humour.
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De nature inquiète mais l'esprit libre et indépendant, Katalin entend bien être seule maîtresse de son destin. La voici donc qui quitte le confort certes douillet mais ô combien austère de son pays natal, direction le Sud et la Ville Éternelle qui l'intrigue et la fascine depuis toujours. Sitôt arrivée, son enthousiasme et sa détermination se heurtent à une réalité loin d'être idyllique.
Confrontée aux problèmes ordinaires de tout immigré fraîchement débarqué - trouver une maison, un travail, nouer des liens, etc. -, Katalin doit surtout surmonter une autre difficulté : être une femme dans un monde où les hommes dominent sans partage. Harcelée à tout bout de champ, l'opiniâtre jeune femme résiste, jusqu'au jour où le pire arrive...
Avec l'humour caustique qu'on lui connaît et tout en pudeur et subtilité, Kati Kovács s'attaque dans Quo Vadis, Katalin au délicat sujet des violences sexistes. Mélange original de fiction et d'autobiographie, ce nouvel album est sans doute l'oeuvre la plus personnelle de la Finlandaise publiée à ce jour. -
Nous sommes dans un futur proche, dans un monde qu'on ne finit pas de saigner à blanc et où le Pouvoir a déployé un brouillard épais qui en occulte la vérité. Un écran fait de millions d'écrans d'où, dans un immense et continu bavardage, se répandent des flots d'images et de mots mis en circulation dans le seul but de travestir la réalité. C'est un monde peuplé de silencieux et d'immobiles ; de temps à autre, certains explosent dans un acte fou, une violence primitive, expression d'une souffrance morale qui rend la vie invivable. Tout semble suspendu dans une sorte de danse cosmique, sans fin, dans cette loi de la conservation de la violence dont parlait Pierre Bourdieu. Soudain, l'empire du mensonge est bousculé par une fureur irrésistible : c'est l'émeute qui sème le chaos et qui fait éclater la vérité. Grand Hôtel Abîme met en scène une dystopie effrayante tout autant que familière, tant elle s'abreuve de « faits » que nous venons peut-être de lire dans les journaux ou de voir à la télévision, aboutissant à une satire politique et sociale qui ne cesse de mettre l'accent sur des questions bien contemporaines. L'expérimentation formelle de Marcos Prior, le découpage dynamique et l'extraordinaire palette de David Rubín sont les moteurs de ce récit « d'anticipation » où les deux auteurs appellent à mettre le feu au lourd rideau du mensonge.
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Dans une île bouleversée par un désastre écologique, l'oisillon Birdboy essaie en vain de voler et à chaque tentative ratée s'enfonce un peu plus dans son addiction aux psychotropes. Dinky, la souris, ne veut plus se lever du lit pour aller à l'école. Depuis la mort de son père, rien ne semble plus motiver la brillante élève qu'elle était. Dinky n'a qu'une idée en tête : partir ailleurs, laisser derrière elle les paysages desséchés de son île, traverser la mer stérile qui l'entoure, commencer une nouvelle vie avec Birdboy. Forts de leur amour naissant, réussiront-ils à atteindre enfin le monde meilleur dont ils rêvent ?
Alberto Vázquez nous livre une histoire intense et poétique, tout en portant un regard lucide et désenchanté sur le monde contemporain. Désindustrialisation, chômage, répression, nature violentée : la petite île de Dinky et Birdboy semble renfermer en elle tous les maux de notre société. Vázquez manie avec grâce son trait élégant et ses ambiances minimalistes en distil-lant en parties égales, tout au long de son récit, tendresse et cruauté ; un peu comme un Tim Burton qui aurait chaussé des gants de boxe.
En 2012, Alberto Vázquez, avec Pedro Rivero, a porté Psychonautes à l'écran dans un film d'animation intitulé Birdboy qui a obtenu le prix du meilleur court-métrage d'animation aux Goyas (les Césars espagnols). En 2015, Vázquez et Rivero ont réalisé une version long-métrage (80 minutes) qui reprend le titre du livre et qui a été présentée au festival de San Sebastián. La version française sera présentée à la prochaine édition du Festival international du film d'animation d'Annecy et distribuée sur le territoire national.
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« Poser un lapin », « Avoir d'autres chats à fouetter », « En faire un fromage », « Courir sur le haricot »... Ce ne sont que quelques-unes des expressions dont la langue parlée regorge et qu'Héloïse Guerrier a recueillies et commentées dans ce florilège illustré par David Sánchez. Héloïse Guerrier retrace l'origine de chaque locution et son évolution dans le temps tandis que David Sánchez la met en scène dans une interprétation toute au premier degré. La juxtaposition des textes et des dessins aboutit à un résultat surprenant, restituant à chaque expression son côté hilarant, surréaliste, parfois même inquiétant que son usage quotidien a peu à peu estompé. Les textes, ce qui ne gâte rien, sont aussi traduits en anglais et en espagnol pour venir à l'aide de tous ceux qui veulent initier leurs amis allochtones aux « subtilités » de la langue de Molière.